Édition du dimanche 7 octobre 2007
Chérif & Geza ou l’art à deux êtres
Roger Castang présente « L’Esprit du mur », une exposition des œuvres de Chérif et Geza, couple d’artistes qui travaille à deux têtes et à quatre mains.
Entre détournement d’affiches, graffitis et engagement politicosocial. A voir jusqu’au 1er décembre.

pour un art urbain, graphique et dans le mouvement de la vie.
Un pochoir de petit chien en marche et « KRM » comme signature, Chérif et Geza affirment leur singularité en laissant de côté leur ego pour ne faire qu’un. Fruit de la rencontre, de l’amour de du talent, leur travail est d’une parfaite unité. Dans leur atelier (une ancienne usine), ils réinventent les murs des villes, peignent sur des panneaux de bois, expriment la fureur et le bruit, la violence et la complexité urbaines. Sorte de « cadavre exquis », chaque tableau est l’aboutissement de multiples superpositions, de l’enchevêtrement de couleurs, de techniques, d’expressions. Les deux artistes cherchent « l’état de grâce » dans cette conjugaison d’énergies, d’inspirations, d’amorces et d’ouvertures. Sans ne rien perdre du discours ou de l’intention première, Chérif et Geza vont jusqu’au bout de l’effort, porté par l’émulation. Ils utilisent et détournent aussi des affiches publicitaires, les incluent aux compositions, nous rappelant le flot d’images qui nous assaillent continuellement, la frénésie consumériste, le cynisme du marché. Ils aiment s’emparer des icônes de notre époque, des archétypes, des modèles.
« L’esprit du mur »
Chérif et Geza viennent de la rue et continuent d’y créer. Pour eux, les murs offrent un espace unique de liberté. Ils y jettent leurs révoltes de citoyens et d’artistes, ils y dénoncent, y fustigent, se moquent, jouent la dérision et l’humour. Ce travail à quatre mains démultiplié par la variété des expressions (collage, pochoir, écriture, graffitis, ajouts d’éléments matériels) finit aussi par prendre une dimension temporelle. Derrière, palpitent d’innombrables vies qui ont chacune laissé une marque, un signe. On touche à la complexité de l’être à travers tous ces actes insignifiants et muets, en forme de rébellion.
Chérif et Geza mettent en scène la tragédie humaine de notre temps et c’est d’une étrange beauté.

Photo Harry Jordan
« L’esprit du Mur » jusqu’au 1er décembre 2007, chez CastanGalerie
3 place Gambetta à Perpignan. Du mardi au samedi de 14h30 à 19h30
J.M.C. L’Indépendant, Perpignan, le 5 octobre 2007